La menace des drones sur la sécurité de l’aviation civile
Au fil des dernières années, les drones sont devenus de plus en plus populaires et accessibles à un large public, et plusieurs millions d'entre eux sont utilisés à travers le monde. Bien qu'ils soient principalement utilisés pour des activités de loisirs, les drones sont également de plus en plus utilisés pour des applications commerciales et gouvernementales, y compris pour des missions de surveillance et de sécurité. Cependant, la popularité croissante des drones a également créé des préoccupations quant à la sécurité de l'aviation civile. La prolifération des drones a entraîné une augmentation des incidents impliquant des drones et des avions, mettant en danger la sécurité des passagers et des membres d'équipage. Devant l’explosion du nombre de drones mis en service, et la méconnaissance des télépilotes des règles de l’air et des espaces aériens, peut-on parler aujourd’hui d’une menace des drones pour la sécurité de l’aviation civil ? Comment les Autorités de l’Aviation civile prennent-elles en compte cette nouvelle tendance ?
1) Qu’est ce qu’un drone ?
a) Définition et principes
Les drones sont des aéronefs capables de voler et d'effectuer une mission sans présence humaine à bord. Le drone est commandé soit par un opérateur à distance (proche, ou bien à plusieurs milliers de kilomètres), soit par un système électronique qui définit sa mission (par exemple, sur des petits drones de loisir, une fonction permet au drone de revenir se poser lorsque la batterie est faible). Cela distingue deux catégories de drones : ceux qui requièrent l'assistance d'un pilote au sol et ceux qui sont entièrement autonomes. Cette autonomie de pilotage peut s'étendre à la prise de décision opérationnelle pour réagir face à tout événement aléatoire en cours de mission.
Le principe des drones peut être rapproché de celui de l'aéromodélisme, selon lequel des petites maquettes sont pilotées par télécommandes. Mais la maquette d’aéromodélisme nécessite des compétences de pilotage, alors que dans un drone, les techniques de pilotage sont numérisées pour que l’opérateur n’ait plus qu’à fournir des ordres simples (monter, descendre, etc.).
Certains seront tentés de rapprocher le principe des drones de celui des missiles. La principale différence entre les deux est que le drone est récupérable et réutilisable, ce qui n’est pas le cas du missile.
D'origine anglaise, le mot «drone», qui signifie «bourdon», ou «bourdonnement», est communément employé en Français en référence au bruit que font certains d'entre eux en volant.
b) Des conceptions différentes
Le design d’un drone n’est donc pas contraint par son habitabilité pour un pilote. Dès lors, s’ouvre un grand nombre de possibilités de design, qui dépendront de la mission que devront effectuer ces drones.
- Ils existent des drones à voilure fixe (comme sur avion) ou tournante (comme sur hélicoptère).
- Le type de motorisation s'étend du petit moteur électrique fonctionnant sur batteries, au turboréacteur.
- Les systèmes de bord seront plus ou moins sophistiqués en fonctions de la mission à accomplir : le drone pourra simplement répondre aux ordres d’une télécommande, ou bien disposer d’une intelligence embarquée pour effectuer tout seul sa mission.
- La charge utile constitue l'un des éléments fondamentaux du drone car c'est elle qui permettra de réaliser la mission. Certains drones pourront tout juste emporter une petite caméra type Go-Pro, alors que d'autres pourront vous livrer un colis de plusieurs kilos.
- Sur certains drones, un système spécifique produit l'énergie électrique nécessaire au fonctionnement de l'ensemble des équipements embarqués. Cela peut être un simple alternateur, ou un système plus complexe similaire à celui que l'on retrouve sur les avions de ligne.
2) Un peu d’histoire
Pendant la guerre du Vietnam, les Américains ont utilisé des drones (Firebee) pour localiser les rampes de lancement des missiles sol-air soviétiques SAM-2 : 3500 missions furent recensées. Plus tard, en 1991, lors de la guerre du Golfe, ils ont fait appel au drone (Pioneer) pour la surveillance jour/nuit, l'acquisition des objectifs, et les réglages de l'artillerie. Dans ce même conflit, les Britanniques et les Français commencèrent à se servir des drones.
De leur côté, les Israéliens ont saturé les défenses aériennes le long du canal de Suez lors de la guerre du Kippour (1973) et ce, avec un grand nombre de drones bon marché. Plus tard, ils ont détecté et leurré par le même moyen les batteries syriennes anti-aériennes.
D'une façon générale, les spécialistes considèrent que les drones ont pu vraiment démontrer leurs capacités opérationnelles d'observation aérienne (renseignement), sur les trois récents théâtres d'opération qu'ont constitué les conflits en ex-Yougoslavie, en Irak, et en Afghanistan.
3) Utilisation des drones
Utilisés initialement par les militaires, les drones conquièrent maintenant le domaine civil. Ils sont utilisés dans énormément d'applications civiles, comme l’inspection des barrages, l’optimisation des récoltes d’un agriculteur, le sauvetage en mer, la prise de vue aérienne pour les films ou documentaires, la surveillance des forets, la surveillance des frontières, la surveillance des infrastructures et des réseaux de transport, la collecte de données météorologiques, la livraison de colis, le déclenchement préventif d'avalanches, la lutte contre les parasites et les nuisibles, ...
4) Menace sur le trafic aérien ?
a) Quelle conséquence d’un impact d’un drone avec un avion
Les conséquences d’une collision entre un drone et un avion vont dépendre principalement du poids du drone et du type d’avion et de la zone d’impact.
Les avions de ligne sont conçus pour résister à la collision avec un oiseau. Un drone léger (même s’il est dur, contrairement à l’oiseau) ne fera que peu de dégâts sur un avion de ligne. Il faudra certainement s’atteler à des tâches de maintenance et des vérifications avant de faire re-décoller l’avion. Les conséquences seront donc uniquement financières.
Un drone lourd pourrait avoir de graves conséquences sur un avion de ligne. Impacter une masse métallique de plusieurs dizaines de kilos à plus de 200 km/h engendrerait des graves dommages, pouvant conduire à un accident. On imagine aisément les conséquences si cette masse traverse les fenêtres du cockpit derrière lesquelles se trouvent les pilotes.
Les avions de tourisme sont beaucoup plus exposés au risque des drones. Outre le fait qu’ils volent plus bas (donc peuvent potentiellement rencontrer davantage de drones), leur structure légère pourrait être endommagée suite à la collision avec un drone léger. Par ailleurs, n’étant souvent pourvu que d’un seul moteur à hélice, ces petits avions seraient contraints de se poser sans moteur dans un champ si un drone venait à percuter l’hélice.
b) Que dit la réglementation
La réglementation applicable aux drones est définie par chaque pays. Ainsi, des règles différentes peuvent s'appliquer selon que vous soyez d'un côté ou de l'autre d'une frontière. Ce chapitre se focalisera sur la réglementation en France et aux Etats-Unis en vigueur en 2016.
La réglementation française applicable aux drones de loisirs (ce que l’on appelle la catégorie ouverte) est édictée par la Direction Générale de l'Aviation Civile (DGAC) en vue d'assurer la sécurité des personnes et des biens lors de l'utilisation de ces appareils. La DGAC met à disposition des utilisateurs de drone un guide pour les usages des drones de loisirs.
En 2023, en France, tout propriétaire d'un drone de loisirs pesant plus de 800 grammes doit s'enregistrer en ligne sur le site de la DGAC et suivre une formation en ligne obligatoire, pour être autorisé à utiliser son drone en toute légalité. Cette formation est gratuite et permet d'acquérir les connaissances nécessaires pour piloter un drone en toute sécurité, en évitant les risques pour les personnes et les biens.
L'enregistrement du drone permet aux autorités de retrouver rapidement le propriétaire en cas d'accident ou d'incident impliquant le drone. De plus, l'enregistrement permet d'identifier les propriétaires de drones qui ne respectent pas la réglementation en vigueur.
Outre l'enregistrement obligatoire, les drones de loisirs doivent être équipés d'un dispositif de signalement lumineux pour améliorer leur visibilité et éviter les collisions avec d'autres engins volants. Ce dispositif est indispensable pour les vols de nuit ou par faible luminosité.
Par ailleurs, Les drones de loisirs ne peuvent pas être utilisés au-dessus de 120 mètres d'altitude. Cette limite a été fixée pour éviter les interférences avec le trafic aérien et pour prévenir les risques pour la sécurité des personnes au sol. Il est également interdit de faire voler un drone à proximité d'un aéroport ou d'autres zones sensibles telles que les centrales nucléaires et les zones militaires.
Les règles applicables aux drones de loisirs en France visent à garantir la sécurité des personnes et des biens, ainsi que la protection de l'environnement. En effet, l'utilisation de drones peut avoir des conséquences néfastes sur la faune et la flore. Par conséquent, il est interdit de faire voler un drone au-dessus de zones naturelles protégées telles que les parcs nationaux ou les réserves naturelles.
Les propriétaires de drones de loisirs doivent également respecter la vie privée des autres personnes. En effet, l'utilisation d'un drone pour prendre des photos ou des vidéos peut porter atteinte à la vie privée des personnes photographiées. Il est donc interdit de filmer ou de photographier des personnes sans leur consentement préalable.
En cas de non-respect de ces règles, des amendes peuvent être infligées. Les amendes peuvent varier de 135 euros à 1 500 euros selon la gravité de l'infraction commise. En outre, en cas d'incident ou d'accident causé par un drone de loisirs, le propriétaire du drone peut être tenu responsable des dommages causés.
Il est donc important pour tous les propriétaires de drones de loisirs de bien connaître la réglementation en vigueur et de respecter les règles pour garantir la sécurité des autres et préserver la liberté de vol des drones de loisirs.
Aux États-Unis, la réglementation applicable aux drones de loisirs est édictée par l'Agence Fédérale de l'Aviation (FAA) et a été mise en place pour garantir la sécurité des personnes.
Tout propriétaire d'un drone de loisirs doit s'enregistrer en ligne auprès de la FAA et obtenir un numéro d'enregistrement unique pour chaque drone qu'il possède. Cette démarche est obligatoire depuis 2015 pour tout drone de plus de 250 grammes (quel soit l’objectif du vol). Le numéro d'enregistrement doit être apposé sur le drone pour permettre aux autorités de retrouver rapidement le propriétaire en cas d'accident ou d'incident impliquant le drone.
Les règles de vol pour les drones de loisirs aux États-Unis sont similaires à celles en vigueur en France. Les drones ne peuvent pas être utilisés au-dessus de 120 mètres d'altitude et ne doivent pas être utilisés à proximité d'un aéroport ou d'autres zones sensibles. Les drones de loisirs doivent également être équipés d'un dispositif de signalement lumineux pour améliorer leur visibilité.
Outre les règles de vol, les propriétaires de drones de loisirs doivent également respecter la vie privée des autres personnes. Les drones ne doivent pas être utilisés pour prendre des photos ou des vidéos qui pourraient porter atteinte à la vie privée des personnes photographiées.
En cas de non-respect de ces règles, des amendes peuvent être infligées. Les amendes peuvent varier de $1100 $ à $27500 selon la gravité de l'infraction commise. En outre, en cas d'incident ou d'accident causé par un drone de loisirs, le propriétaire du drone peut être tenu responsable des dommages causés.
Les règles de la FAA sont en constante évolution en réponse à l'évolution de la technologie des drones. Par exemple, la FAA a récemment mis en place une nouvelle règle selon laquelle tous les drones de plus de 250 grammes doivent être équipés d'un système de détection et d'évitement des obstacles pour éviter les collisions.
Les règles d'exploitation d'un drone de loisir sont:
- Voler uniquement à des fins récréatives (plaisir personnel).
- Suivre les directives de sécurité d'une organisation communautaire reconnue par la FAA (Community Based Organization - CBO).
- Gardez votre drone en vue ou utilisez un observateur visuel qui est co-localisé (physiquement à côté de vous) et en communication directe avec vous.
- Laissez passer les autres aéronefs et n'interférez pas avec eux.
- Voler à des altitudes inférieures ou égales à celles autorisées par la FAA dans l'espace aérien contrôlé (classes B, C, D et classe de surface E désignée pour un aéroport) uniquement avec l'autorisation préalable de la FAA en utilisant LAANC ou DroneZone.
- Voler à 120 mètres ou moins dans l'espace aérien de classe G (non contrôlé). Il est interdit de faire voler des drones dans un espace aérien restreint.
- Passer le test de sécurité pour les drones de loisir (TRUST) et avoir sur soi la preuve de la réussite du test lors du vol.
- Disposer d'un enregistrement FAA à jour, marquer (PDF) vos drones à l'extérieur avec le numéro d'enregistrement, et avoir la preuve de l'enregistrement avec vous lorsque vous volez. A partir du 16 septembre 2023, si votre drone nécessite un numéro d'enregistrement auprès de la FAA, il devra également diffuser des informations d'identification à distance.
- N'utilisez pas votre drone d'une manière qui mette en danger la sécurité du système national d'espace aérien.
source : FAA - Page web FAA sur l'utilisation de drones de loisir
5) Conclusion - Quel menace ? Quel futur ?
Si le pilote d’un avion de ligne sera incapable de voir et éviter un drone, le pilote d’un avion léger volant plus lentement aura davantage de chance d’éviter la collision à condition d’avoir réussi à repérer le drone à temps, ce qui reste quand même compliqué. Que ce soit pour un avion de ligne ou un avion de tourisme, les conséquences d’une collision avec un drone pourraient être graves. La pénétration d’un drone dans l’espace aérien civil sans autorisation représente donc une menace potentielle.
Le respect de la réglementation permet d’éviter cette menace. Nous pouvons compter sur le professionnalisme des opérateurs agréés qui exploitent leurs drones dans le strict respect de la réglementation. Mais la grande majorité des détenteurs de drones sont des particuliers, dont une partie conséquente semble ignorer jusqu'à l'existence de lois relatives aux drones. Et puis il y a eu des utilisations illicites délibérées (environ 80 recensées en France en 2015) qui, ajoutées aux incidents liés à des utilisations maladroites, font que la question de la sécurité se fait de plus en plus pressante.
La réduction de la menace des drones sur l’espace aérien est un combat permanent des Autorités de l’aviation civile. Ce travail s’effectuera sur deux axes : une adaptation de la réglementation permettant de simplifier l’usage industriel des drones et de mieux encadrer les opérateurs particuliers, et le développement de système permettant de détecter et de neutraliser les drones en survols de sites sensibles.
Mis à jour en avril 2023